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Pilules à base de bêta-carotène : danger pour les fumeurs !

Dernière mise à jour : 5 mars 2021

Avec les beaux jours fleurissent les publicités qui vantent les mérites des gélules pour bronzer. Attention ! La prise de ces compléments à base de bêta-carotène n’est pas sans danger. Les fumeurs et ex-fumeurs doivent s’abstenir, au risque de développer un cancer.


Un bronzage facile, intense et durable : c’est ce que promettent les compléments nutritionnels solaires qui ont envahi les linéaires depuis une dizaine d’année. Une gélule par jour et votre peau sera mieux préparée à affronter le soleil.


Pas si sûr ! Aucune étude scientifique à grande échelle n’a prouvé l’efficacité de ces produits sur la protection de la peau contre les méfaits du soleil. Pire, le bêta-carotène contenu dans la plupart de ces pilules s'avère être dangereux pour la santé.

Pourtant, ce pigment de la famille des caroténoïdes avait suscité beaucoup d’espoir. Dans les années 1980, des études avaient montré qu’une supplémentation en bêta-carotène protégeait des souris contre la survenue de certaines tumeurs, notamment cutanées. "Les chercheurs croyaient avoir trouvé la molécule miracle anticancer, se rappelle Marie Christine Boutron-Ruault, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Malheureusement, ces résultats se sont avérés bien décevants chez l’homme."

4,5 fois plus de cancer Une analyse de plusieurs publications scientifiques réalisée en 2008 a mis fin au rêve. Elle apporte la preuve que, non seulement un apport prolongé en bêta-carotène ne protége pas du cancer de la peau mais, plus grave, qu'il favorise la survenue du cancer du poumon chez les fumeurs et ex-fumeurs. "Dans certaines études menées sur l'homme, les résultats étaient d’ailleurs si alarmants qu’elles ont du être brutalement interrompues", précise la directrice de recherche à l'Inserm.

Avec son équipe, Marie Christine Boutron-Ruault décide d’approfondir la relation entre cet anti-oxydant et le cancer. Elle analyse pour cela les habitudes de vie de 70.000 femmes. Chez les non-fumeuses qui ont une consommation élevée de bêta-carotène, l'Inserm relève seulement 81,7 cas de cancer pour 10.000 femmes, contre 368,3 cas pour 10.000 fumeuses ou ex-fumeuses (soit 4,5 fois plus de cas).


Une autre étude "L'étude ATBC", destinée à étudier leur capacité à prévenir le cancer du poumon chez les fumeurs, a aussi montré que le risque de cancer du poumon était cinq fois plus élevé chez les fumeurs recevant 20 mg de bêta-carotène chaque jour ! En revanche, leur risque de cancer de la prostate était significativement réduit. De même, dans l'essai CARET associant bêta-carotène et vitamine A, une augmentation du risque de cancer du poumon a été observée.

Des données controversées pour les non-fumeurs Les résultats sont moins clairs chez les personnes qui n'ont jamais fumées. L’Inserm a montré que la prise de ce pigment diminue le risque de survenue de certains cancers chez les non-fumeurs. Mais une compilation de presque 400 publications scientifiques, réalisée en 2008, conclut à l'inverse. Elle met en évidence que la supplémentation en bêta-carotène augmente la mortalité toutes causes confondues, chez les fumeurs et les non-fumeurs. La prudence reste donc de mise.


Enfin, dans le contexte français, l’étude Suvimax a montré, après sept années et demie de suivi, une réduction d’un tiers des cancers chez les hommes recevant un supplément combiné (120 mg de vitamine C, 30 mg de vitamine E, 6 mg de bêta-carotène, 100 µg de sélénium et 20 mg de zinc) par rapport au placebo. Prise avec modération, et en associant la bêta-carotène à d'autres suppléments, celle-ci peut devenir véritablement intéressante. Comme quoi, c'est parfois la dose qui fait le poison...

Dans une brochure destinée aux professionnels de santé parue en février 2009, l’Institut national du cancer (Inca) et la Direction générale de la santé dressent l’état des connaissances sur les liens entre nutrition et cancer. Ces deux organismes indiquent que "la consommation de compléments alimentaires peut présenter plus de risques que de bénéfices". Ils recommandent tout simplement "de ne pas en consommer, sauf cas particuliers de déficiences et sous le contrôle d’un médecin ".


Aujourd'hui, les spécialistes reconnaissent de façon formelle une seule propriété aux caroténoïdes : la capacité de certains d'entre eux d'être une source de vitamine A pour l'organisme.

Les caroténoïdes sont traditionnellement intégrés dans de nombreuses préparations destinées à préparer la peau au bronzage, ainsi que dans divers compléments destinés à prévenir les effets du vieillissement. Néanmoins, une nouvelle analyse de l’étude Suvimax a montré de manière significative que les femmes ayant reçu la supplémentation décrite ci-dessus présentaient un risque quatre fois plus élevé de développer un cancer de la peau.


Ces résultats sont cohérents avec l’ensemble des données disponibles sur les antioxydants, données qui semblent indiquer un effet bénéfique ou délétère selon les conditions d’utilisation : dose utilisée, état nutritionnel de la population et existence d’autres facteurs de risque de cancer.


Ainsi, dans une population déficitaire ou carencée et en l'absence de facteur de risque cancéreux particulier comme le tabagisme, l'apport supplémentaire d'antioxydants serait bénéfique, comme observé à Linxian ou chez les hommes français de l'étude Suvimax dont l'équilibre alimentaire laissait à désirer.


Mais chez les personnes qui ont une alimentation équilibrée et suffisamment riche en antioxydants, par exemple les femmes françaises de l'étude Suvimax, l'apport supplémentaire sous forme de compléments pourrait augmenter le risque de cancer de la peau.

Ainsi, dans les pays comme la France où les consommateurs de compléments alimentaires sont majoritairement des personnes soucieuses de leur alimentation, il semble légitime de se poser la question des effets délétères de l'ingestion de trop fortes quantités de caroténoïdes.

Des fruits et des légumes

"Mieux vaut manger un fruit ou un légume qu'avaler une gélule", confirme Serge Hercberg, professeur de nutrition à l'université Paris 13, à l'initiative de Suvimax, une vaste enquête sur l'alimentation des Français. Cette étude a montré que la consommation de fruits et de légumes est bénéfique à la santé, contrairement à la prise de compléments alimentaires.


"Dans l’aliment entier, il existe tout un ensemble de nutriments qui interagissent entre eux et n’ont pas les mêmes effets s’ils sont pris séparément."

Les végétaux colorés comme les carottes, les abricots, les pêches, les mangues, le chou vert et les épinards sont particulièrement riches en bêta-carotène. Ils contribuent ainsi naturellement à protéger la peau du soleil. "Les fruits et les légumes du printemps et surtout de l’été sont particulièrement bénéfiques. Ils renforcent la résistance de la peau aux rayons UV et ses capacités de réparation", écrit Marie-Pierre Hill Sylvestre, dermatologue dans son ouvrage sur la diététique anti-rides (éditions Souccar).

"Il ne faut cependant pas tomber dans l’excès, avertit Marie Christine Boutron-Ruault. Boire un demi-litre de jus de carotte par jour, même si cela donne une jolie couleur à la peau, fournit des doses de bêta-carotène aussi élevées que les compléments alimentaires. Cette surconsommation expose donc aux mêmes risques." Vous l'aurez compris : crème solaire, lunettes et chapeau restent vos meilleurs alliés contre le soleil !


Décision des autorités de santé européennes

Depuis 2012, les autorités de santé européennes (EFSA, European Food Safety Authority et la Commission européenne) se sont prononcées sur certaines allégations santé des aliments et des compléments alimentaires contenant des caroténoïdes (toutes substances confondues). Après examen des données scientifiques, elles ont estimé que ces produits ne peuvent PAS prétendre :

  • protéger les cellules et les organes des radicaux libres (effet antioxydant) ;

  • protéger la peau des effets délétères des rayons ultraviolets ou du vieillissement ;

  • protéger le système immunitaire des radicaux libres ou des rayons ultraviolets ;

  • maintenir la souplesse, l’hydratation ou le bon état de la peau.

De plus :

  • les produits contenant du lycopène ne peuvent PAS prétendre contribuer à la santé de la prostate, du cœur et des vaisseaux sanguins, ainsi que celle des yeux des personnes âgées, ni prétendre réduire ou abaisser le taux de cholestérol sanguin ;

  • les produits contenant du béta-carotène ne peuvent PAS prétendre revitaliser les cheveux ;

  • les compléments alimentaires contenant de la lutéine ne peuvent pas prétendre contribuer à maintenir une vision normale ;

  • les compléments alimentaires contenant de l’huile de krill ne peuvent PAS prétendre maintenir la santé des articulations ;

  • les produits contenant de l’astaxanthine ne peuvent PAS prétendre contribuer au maintien de la santé des articulations, des tendons, des cartilages et du tissu conjonctif, ni soulager les maux d’estomac, ni contribuer à la production de spermatozoïdes, ni contribuer au fonctionnement des muscles, ni protéger du stress, ni maintenir des taux sanguins de cholestérol normaux, ni maintenir des taux sanguins faibles de protéine C réactive (un marqueur de l’inflammation), ni protéger les yeux et la vision ;

  • les produits contenant de la lutéine et/ou de la zéaxanthine ne peuvent PAS prétendre protéger les yeux (et en particulier la rétine) contre les effets des rayons ultraviolets ou des radicaux libres, ni améliorer la circulation sanguine dans les yeux, ni soulager les yeux rouges et irrités.

Ces revendications d’effet sont désormais interdites.


Précautions à prendre avec les caroténoïdes

Les femmes enceintes et les enfants doivent s’abstenir de prendre des caroténoïdes et se contenter de ceux apportés par les aliments. Suite à l’étude finlandaise citée plus haut, les fumeurs sont alertés sur les risques d’un apport complémentaire en bêta-carotène, mais aussi en caroténoïdes en général.


L’apport de caroténoïdes, aliments inclus, devrait être inférieur à 20 mg par jour dans cette population. Attention, la prise massive d’un caroténoïde particulier peut réduire l’absorption d’autres substances de cette famille, provoquant ainsi un déséquilibre alimentaire.


Les personnes qui prennent des médicaments diminuant l’absorption des graisses par l’intestin (dans le cadre d’un traitement contre l’obésité ou l’excès de cholestérol) absorbent moins bien les caroténoïdes.



Origine, formes et dosage des caroténoïdes

Les caroténoïdes sont extraits de certaines algues ou de pétales d’œillets d’Inde séchés qui sont également donnés aux poules pondeuses pour enrichir le jaune de leurs œufs. Ils peuvent aussi être synthétisés à partir de substances présentes dans les champignons.


Dans les compléments alimentaires, ils sont souvent présentés dissous dans de l'huile végétale sous la forme de capsules molles. Les doses recommandées sont de l'ordre de 6 à 10 mg par jour et ne devraient jamais dépasser 20 mg par jour, en tenant compte des caroténoïdes apportés par les aliments...


Références :

- EU Register on nutrition and health claims, EFSA, 03/2016

- Guide des compléments alimentaires, Vidal, 2008

- PDR for Nutritional Supplements, Thomson Healthcare, 2001


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