Comment peut-on expliquer que favoriser les bonnes bactéries dans l'intestin permet de mieux résister aux infections comme certaines publicités pour les produits laitiers fermentés le laissent penser ?
La recherche sur le microbiote intestinal, en plein essor, apporte des explications de plus en plus pointues sur les liens entre intestins et système immunitaire. Détails.
Depuis des années, des publicités pour produits lactés riches en « bifidobactéries » déguisent les ferments lactiques en véritables soldats du système immunitaire logés dans nos intestins. Sur quoi se basent ces allégations ? La science n’en est qu’à ses débuts dans la compréhension des liens entre le microbiote et le système immunitaire. Il est pourtant déjà très clair que cette intime relation impacte l’équilibre général du corps. Voici ce que l’on sait.
Le début du lien : avant même la naissance
On a longtemps supposé que la colonisation microbienne des intestins commençait à la naissance. Cependant, des études récentes ont trouvé de l'ADN bactérien dans le sang du cordon ombilical, dans le placenta, dans le liquide amniotique, ce qui laisse supposer que l'« ensemencement » du microbiote intestinal pourrait commencer bien avant l'accouchement (1).
C’est au moment de la naissance que le système immunitaire de bébé fait réellement face au monde extérieur et à la colonisation bactérienne qui débute lors de l’accouchement au contact de la flore vaginale de la mère. Des études ont montré que les nourrissons nés par césarienne n’ont pas le même microbiote que ceux nés par voie basse (2). La mise en contact de ces derniers avec la flore vaginale de leur maman, aussi appelé « ensemencement vaginal », permet de débuter la longue relation entre le microbiote et le système immunitaire. Et elle serait bénéfique : sans elle, les nourrissons seraient plus à risque d’obésité infantile et d’allergie (3-6).
Cette colonisation permet le développement des défenses immunitaires, ainsi que la distinction entre les micro-organismes pathogènes et ceux avec lesquels le corps pourra vivre en symbiose. Le système immunitaire supervise ainsi la composition du microbiote.
L’importance de cette relation peut être soulignée par le fait que 70 à 80 % des cellules immunitaires logent dans les intestins.
Un lien garant des défenses du corps
Les premières lignes de défense du corps sont la peau, les muqueuses, les poils, le sébum et le mucus, et la paroi des intestins. Quand ces barrières naturelles fonctionnent correctement, le système immunitaire a moins besoin de travailler.
Au niveau intestinal, c'est la paroi des intestins qui sépare le monde intérieur du monde extérieur grâce à un double système physique et chimique. Les cellules épithéliales qui la composent reconnaissent les micro-organismes pathogènes (virus, bactéries, champignons...) grâce à des récepteurs (PRRs) (7). Ces récepteurs leur permettent d’ajuster la réponse immunitaire par rapport au type d’attaque. Dans ces cellules épithéliales, on trouve aussi d’autres cellules immunitaires, notamment les cellules M qui reconnaissent les substances étrangères (leur antigène) et initient la réponse immunitaire quand c'est le cas (8), ou encore les cellules dendritiques qui présentent l’« ennemi » aux globules blancs du système immunitaire (9).
Ces fameux globules blancs, dont les lymphocytes B et T, patrouillent dans l'intestin en permanence.
Les lymphocytes B produisent des anticorps adaptés à l'« ennemi » présent : les immunoglobulines A (Ig A) qui contrôlent en partie la composition et la diversité du microbiote (10, 11).
Quant aux lymphocytes T, deux types de cellules entrent en jeu dans le dialogue entre microbiote et système immunitaire :
Les Th17 qui stimulent la production d’anticorps et maintiennent l’intégrité de la barrière intestinale. Ces lymphocytes produisent toutefois aussi des molécules pro-inflammatoires et ont été associés à de nombreuses maladies, notamment l’épilepsie (12).
Des lymphocytes T régulateurs (Treg) qui ont pour rôle, comme leur nom l'indique, de réguler l’activité d’autres lymphocytes (notamment les Th17) et d’éviter les réactions auto-immunes. (13, 14).
Un lien facilement rompu
Nous avons le pouvoir d’entretenir cette relation d’équilibre entre microbiote et immunité. La clé ? Assurer l’intégrité de la barrière intestinale en évitant notamment la dysbiose (prolifération de mauvaises bactéries au détriment des bénéfiques). Cette dysbiose peut être le résultat d’un stress chronique, ou de la prise d’antibiotiques, mais le paramètre fondamental de son apparition reste l’alimentation.
Aussi appelée « Leaky Gut », l’hyperperméabilité (porosité) intestinale est responsable du dérèglement du système immunitaire qui mène, à terme, à des troubles du métabolisme et à des troubles auto-immuns.
La dysbiose rend la barrière intestinale poreuse par plusieurs mécanismes :
en altérant le mucus qui protège les cellules intestinales ;
en empêchant le renouvellement des cellules intestinales
en altérant les jonctions entre les cellules de la paroi l’intestin et en permettant par conséquent le passage dans le sang de bactéries ou de fragments de bactéries (notamment les lipopolysaccharides) qui auraient dû rester dans l'intestin si la paroi était restée imperméable. Ces bactéries créent une endotoxémie en cause dans l’inflammation et les troubles métaboliques (15).
Une alimentation de type occidental très transformée (avec une majorité d'aliments riches en graisses saturées, en sucres, en sel, en additifs et pauvres en aliments protecteurs, riches en micronutriments et en fibres) est à l’origine de la plupart des dysbioses. Les mauvaises bactéries avides de cette « malbouffe » vont proliférer et agir sur le comportement alimentaire de l’hôte pour obtenir ce qu’elles veulent, ce qui crée un cercle vicieux (16). Certaines études montrent notamment qu’un apport important en sel peut activer les Th17 qui augmentent l’inflammation (17).
Riches en graisses saturées et trans, en sucres, en sel et en agents cosmétiques et économiques (additifs, nanoparticules, solvants organiques…), les aliments ultra-transformés altèrent aussi plus directement la barrière intestinale (18). Comment ? Des études ont montré que la consommation de ce type de produits modifie l’expression de certains gènes codant pour deux protéines des jonctions serrées de la paroi intestinale (19).
D'autres aliments peuvent rendre les intestins poreux :
Les céréales et produits céréaliers contenant du gluten (20).
Les produits laitiers renfermant de la caséine (21).
Les graisses riches en oméga-6 (huile de tournesol notamment). Ces graisses polyinsaturées stimulent la prolifération des bactéries favorisant l’inflammation et la perméabilité intestinales, au contraire des oméga-3 (22).
Les aliments contenant des saponines (aubergine, pommes de terre, tomates, poivrons, piments...). Une étude menée sur la pomme de terre rapporte que deux saponines qu'elle renferme peuvent perturber l’intégrité de la barrière intestinale et être à l’origine d’une hyperperméabilité de l’intestin (23).
Ceux renfermant des lectines. Ces protéines qui servent de défenses aux plantes se trouvent surtout dans les céréales et les légumineuses (haricots, soja, lentilles, orge, maïs, riz, blé…). Certaines d'entre elles pourraient augmenter la perméabilité intestinale et le risque de maladies auto-immunes (24).
Pour ces aliments, il est grandement question de sensibilités individuelles : tout le monde ne sera pas affecté de la même façon. Il ne s'agit donc pas d'éviter tous ces aliments mais de tester sa sensibilité (en évitant une famille d'aliments quelques semaines et en notant ce qui se passe ou via des tests sanguins).
L'alimentation favorable à un bon dialogue entre intestins et immunité
Un régime riche en fibres (prébiotiques) va stimuler les bonnes bactéries dont c'est la nourriture préférée. La fermentation de ces fibres par les bonnes bactéries va produire des acides gras à chaîne courte (AGCC) comme les acides acétique, propionique et butyrique. Les AGCC sont une source d’énergie pour les cellules épithéliales. Ils permettent l’augmentation de la production et de la diversité des Ig A et des Treg ce qui aide à lutter contre l’inflammation et à assurer l’intégrité de la barrière intestinale.
Les prébiotiques sont surtout présents dans les légumes (artichaut, oignon, échalote, asperge, betterave, brocoli, choux de Bruxelles et autres choux, aubergine, fenouil, pissenlit, ail, poireau, pois mange-tout, champignon, salsifis, céleri, endive…), les fruits (banane peu mûre, pomme, poire, pastèque, kaki, prune, châtaigne, baie de goji, agrume, noix de coco…), les aliments contenant de l’amidon résistant (tubercules, banane verte, riz cuit et refroidi…).
Une alimentation saine et protectrice contient aussi des aliments sources de probiotiques. Ces produits s’obtiennent par fermentation, un procédé de conservation traditionnel. Les aliments fermentés se font cependant de plus en plus rare dans le régime occidental. Légumes lacto-fermentés, natto, pain au levain, kéfir et kombucha sont sources de probiotiques. Ils doivent faire partie de l’alimentation quotidienne pour entretenir la population microbienne et sa diversité dans le microbiote intestinal.
La vitamine D semble aussi jouer un rôle dans l’intégrité de la barrière intestinale, une supplémentation en cas de carence pourrait aider à augmenter la richesse du microbiote. (25)
Les glucosinolates contenus dans les légumes crucifères aident à assurer la protection de la paroi intestinale grâce à des métabolites issus de leur digestion. Brocoli, chou-fleur, chou de Bruxelles, chou Romanesco, chou kale, chou vert, chou frisé, chou chinois doivent donc être consommés très régulièrement lorsque la saison le permet.
En cas d'hyperperméabilité intestinale avérée, il existe un atout intéressant : la glutamine, un acide aminé qui sert de carburant aux cellules intestinales. C’est l’un des composés les plus connus pour réduire la perméabilité intestinale et une carence de glutamine entraîne une augmentation de la perméabilité intestinale (26, 27).
Bien entendu, le mieux est de prendre rendez-vous au centre Alliance afin de faire le point sur votre alimentation.
svp l'année de l'article je veux une référence